Quand un pédé cis te dis "Je ne suis pas transphobe".
T’as
débuté ta transition entouré de trans. Tout était super chouchou, et
bienveillant. On prenait super bien soin de toi, et à l’époque, les mecs
cis, tu les regardais même pas; leurs existences te paraissaient
complètement insignifiantes. Et puis, t’avançais dans ta transition
et tu t’es rendu compte que t’étais devenu pédé. Pédé
cis-misandre dans un premier temps. Et un jour, un peu par hasard, lors
d’une soirée pas très sobre, tu t’es retrouvé à fricoter avec l’un
d’entre eux. La ça t’as fait comme un flash, un truc méga-intense
d’euphorie de genre et de validation. Si ce pédé cis était attiré par
toi, ce pédé cis qui n'aime que les mecs, c’est que ton identité de garçon
était réelle. Et comme l’intensité de cette euphorie de genre a été
incroyable pour toi, t’as voulu recommencer. C’est comme ça que tu t’es
retrouvé à traîner dans leur monde, à adopter leurs codes, à vouloir te
faire une place. Tu te doutais pas encore à quel point ce milieu allait
te faire violence, à quel point la classe sociale des pédés cis pouvait
être oppressive.
La transphobie, dans ce monde la,
est rarement assumée. Elle est tue, cachée, camouflée, pour éviter le
scandale politique. Tu t’es vite rendu compte que tu leur faisait peur,
toi, le pédé trans politisé, qui débarquait. Un faux pas trop explicite
aurait pu, dans leur imaginaire, mener à leur perte, à la destruction de
leurs réputations. Car ouais, en fait, dans ce monde la, on
instrumentalise la transidentité pour se faire mousser, pour paraître
cool et déconstruit, pour paraître être un queer au top. Alors, tous,
sur le papier se diront alliés, se diront bien loin des considérations
abjectes et discriminantes autour des préférences génitales, ou de la
fétichisation. Qu’en est il en réalité ?
C’est
intéressant de constater avec du recule, l’écart immense entre le nombre
de pédé cis que t’as pu chopper, et le nombre avec qui t’as partagé de
la sexualité génitale effective. Non pas que tu voulais pas non, mais
l’occasion ne se présentait que trop rarement pour imaginer qu’il puisse
s’agir uniquement d’une coïncidence. Tu cispasse bien, t’as les codes
pédés, et tu es rentre plutôt globalement dans les normes esthétiques
(si on outrepasse le fait que t’es racisé, et que t'es un mec à chatte, bien-sur). Alors
ouais, t’es trans, et ça fait peur. A quelques gramme d’alcool ou autre
substance parcontre, t’es sollicité. Des échanges de baisers, de
caresses, des étreintes, y’en a eu à foison. Pour ce qui est de la
génitalité, là, y’a quasi plus personne. Ca te donne l’impression d’être
une espèce d’animal sauvage, qui intrigue, et que l’on souhaite
approcher, mais pas trop quand même, parce que ça pourrait être
dangereux. Dangereux pour quoi ? Parce que baiser un mec à chatte ça
pourrait remettre en question leur identité pédé ? Parce que leurs
projections (très certainement erronées) de ce que tu peux bien avoir
dans ton pantalon les dégoûtent ? D’ailleurs y’en a qui t’ont posé la
question de manière assez clair. Ceux la qui avaient pas super bien
compris, qui pensaient que mec trans, ça voulait dire meuf trans. « mais du coup concrètement ça veut dire quoi ? Que tu as un vagin ?, tu
sais moi ça me va qu’on continue à vivre des trucs comme ça, sans aller
plus loin, mais rien à avoir avec le fait que tu sois trans » Non, ça
n’a jamais rien à voir avec le fait que tu sois trans, évidemment. Pas
non plus le fait qu’on te traite comme un objet, un joujou, une caution
de sa pseudo-déconstruction avec qui il est bien de s’afficher,
disponible pour de la tendresse et de la sensualité, mais dont la
génitalité doit être oubliée et effacée parce que trop effrayante et
trop complexe à assumer pour ces mecs qui aiment les mecs(à-bite).
Après
t’as ceux qui sont beaucoup plus frontaux et directes dans l’expression
de leur transphobie. Celui par exemple que t’avais choppé en soirée, et
qui a finit par te mettre un stop en te disant «j’ai voulu essayé mais
CA m’a pas plu» et qui s’est par la suite senti violenté parce que tu
l’as renvoyé à son statut de mec cis blanc privilégié.
Celui aussi
qui se positionne en queer, expert de la dissidence du genre et qui affirme que ce qu’il préfère chez un
mec c’est «sa grosse bite», qu’il n’y peut rien, et que de toute
façon, même si t’es pédé et qu’il le sait, lui et toi vous baiserez
jamais dans les mêmes espaces. Celui la même qui se pisse dessus une
fois qu’il prends conscience du caractère oppressif de ses propos et
de la peur du scandale politique que tu pourrais générer et qui pourrait
nuire à sa «réputation» et qui tente de se «racheter» en te
collant aux basc’ et en minaudant à chaque fois qu’il te croise.
Et
puis y'a ceux auprès de qui t’es pas out, et qui ne l’ont pas (encore)
appris de part les personnes qui exhibent ta transidentité comme un
ragot, sans gène aucune et sans ton consentement. Ceux avec qui tu
flirt, qui sont si gentils, qui t’inondent de belles promesses et de
mots mignons. Ceux dont tu crains qu’ils ne devinent quand ils dansent
tout contre ton corps en soirée, qui passent la main dans ton dos et te
demandent ce que c’est que ce bout de tissu super serré que t’as sur le
torse*. Ceux la qui disparaissent du jour en lendemain
sans explications aucune, et que tu devines avoir compris que non, tu
n’es pas un mec cis.
T’as aussi ceux qui baisent
tout de même avec toi, qui t’inondent de remarques sur ton
corps «si merveilleux» et «si extraordinaire», qui se pavanent de
leurs conquêtes cis habituelles, mais qui taisent voir nient le désir
qu’ils ont pu avoir pour toi.
Et puis t’as les pédés
cis les plus politisés, ceux qui côtoient des trans dans les espaces
militants depuis plusieurs années, qui ont toutes les connaissances
théoriques nécessaires à leur propre déconstruction, qui se baisent tous
entre eux, mais qui fuient les trans pour tout ce qui peut toucher à
des enjeux de séduction. La aussi, la coïncidence est trop forte pour
n’être qu’un simple hasard, jamais, jamais aucun enjeux avec des trans,
alors qu’entre eux les enjeux sont constants et répétés.
*Binder
Salut,
RépondreSupprimerMerci pour tes textes. Si tu connais pas Pédé La Revue, ben, je trouverai ça cool que tu publies dedans... Je suis un queer, trans, qui cherche toujours sa place dans tout ça. Plutôt j'aime bien cette revue même si pas tout, et qu'ya sûrement des bugs à l'intérieur. Y'en a partout ! Je trouve ça bien les versions papiers, ça tourne différemment qu'en blog. Et voilà, tes textes méritent d'être lu..
On est plus que des miettes, on veut plus que des miettes.
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